En parler ou ne pas parler, écrire ou ne pas écrire sur ce qui est convenu désormais l'affaire DSK. Semblable au « To be or not to be » Shakespearien, cette question commençait à devenir presque problématique pour ma maigre personne. Tout simplement d'abord parce que j'imaginerais quoi dire. Et dans notre société de l'obligation de l'expression cela devient rapidement un handicap flagrant. Mais plutôt rebuté par l'émotionnel de toute part, qu'il s'agisse de celui des « amis » de Dominique Strauss-Khan prêts à en faire un martyr d'un odieux complot ou encore celui des femmes ou plutôt de ceux qui se drapent dans leur cause, parler m'apparaissait difficile et même par moment dangereux.
Et c'est là que mon semblant de passé de juriste est venu à mon secours et voilà pourquoi vous avez eu le droit à ce titre aussi énigmatique que pompeux. Le premier élément qui l'a réveillé fut une image. Celle du directeur du FMI, conduit par des policiers, menottes dans le dos, ou plutôt sa diffusion, sa diffusion en grande échelle dans les médias nationaux. La présomption d'innocence est prévue par l'article 9-1 du Code Pénal qui dit :
« Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence.
Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
Elle fut même renforcée par la loi du 15 juin 2000 qui modifia l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 :
« lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d'amende. »
A ce sujet je ne pourrais dire mieux que Vuparmwa, Maître Eolas ou encore Monsieur le secrétaire à la justice du Parti Socialiste Jean Jacques Urvoas qui tous ont bien mieux que moi sans nul doute, sût dire les choses. Cette photographie n'aurait pas dû être publiée. Sur ce point je ne pourrais que donner mon sentiment. Tout d'abord celui de médias devenus par la force des choses et aussi avec le consentement de certains de ces acteurs avides de scoops et d'images. Le poids des mots, le choc des photos disait auparavant Paris Match. On dirait que ce slogan s'est généralisé amputé de la première partie. Et cette constatation ne dépend pas du tout de la personne sur ce photos qu'importe son statut, son origine, ou que sais-je encore, elle n'a pas à voir son visage placardé dans nos médias sans son consentement s'il est menotté par exemple. L'excuse idiote et vile de « De toute manière si on l'avait pas fait d'autres l'auraient fait » me donne à penser à des braqueurs de banques s'expliquant par d'autres braquages. La connerie des autres n'excuse par celle des uns et je pèse mes mots. Le respect de la législation au lieu d'être le principe est devenu l'exception.
Dans le même temps une autre excuse est aussi avancée. Cela se passe aux États-Unis où la photo elle est diffusée. Mis à part l'impression que cette phrase ressemble beaucoup à « Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas », ainsi on justifie par le côté culturel les saloperies faites et aux joyeusetés, cette idée est en plus idiote. Que je saches la photo a été diffusée en France et donc c'est la loi française qui s'applique. Sinon on peut appliquer le même raisonnement pour la peine de mort si vous voulez ?
Avec la justification de la liberté d'information et l'obligation d'informer même on en vient à considérer le Code Pénal comme un vulgaire papier toilette. Pour cela ce sera bien évidemment sans moi.
Le second élément m'apparût pire encore. Alors même que jusque là je pensais cela impossible je vis de mes yeux la capacité des journaux à s'enfoncer encore plus. Ce furent les révélations sur la vie privée de Dominique Strauss-Khan. À ce sujet deux personnes aux profils et aux opinions politiques différentes ont fini de forger mon opinion. Il s'agit de Jean-Baptiste Prévost ancien président de l'UNEF et l'avocat Rodolphe Bosselut. Le premier arguant du respect de la vie privée et de l'inutilité de l'information critiquait cette diffusion. Rappelons que la vie privée est protégée par l'article 9 du Code Civil :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Je ne peux que suivre ce raisonnement. Certes je ne suis pas sot et je sais très bien que la notion de vie privée au surplus pour les hommes politiques est devenue une notion bien restreinte. Ils ont en grande partie responsable de cela, affichant eux-mêmes cette vie privée dans une ambition de paraître plus proche des gens. Dominique Strauss-Khan a agit de la même façon et le documentaire qui lui fut consacré sur Canal+ en est un exemple. Pour autant cela ne signifie en rien que premièrement les médias s'avèrent en droit de tout dire sans son consentement ou que deuxièmement tout soit utile. J'avais moi-même trouvé dégueulasse et sordide le Cluedo de bas étage qui avait été lancé pour découvrir le père de l'enfant de Rachida Dati. Ils ont beau être des hommes et femmes publiques ils ont droit à une vie privée, qu'ils cherchent à la défendre ou non.
Le second quant-à lui avançait qu'il existerait deux off. Un qui est gentil, qui se dit et que l'on retrouve dans le livre de Nicolas Domenach et Maurice Szafran ou encore dans le « Bien entendu c'est off » de Daniel Carton. Une sorte de fausse bonne intimité. Et un autre off plus secret, plus réservé. Et c'est là qu'à le problème. Jusqu'ici les informations, désormais crachées avec une régularité et une puissance sans bornes restaient couvertes. Le déversement apparaît le plus scandaleux et le plus horripilant qui soit. Un il soutient le mouvement de frapper un homme à terre, de tirer sur une ambulance sans l'ombre d'une hésitation, alors même que quelques jours auparavant on en chantait les louanges. Les médias apparaissent plus versatiles qu'une prostituée qui elle est contrainte à faire son métier. Deux ils conduisent à accentuer le sentiment de détachement de nos élites qu'elles soient politiques ou médiatiques. En effet seul un petit milieu connaissait ces évènements et seul un petit milieu a tout caché. L'idée de collusion et de silence complice dans un copain-coquin ne peut être que ravivé. Marine Le Pen vous remercie.
Au final ai-je parler de l'affaire ? Non. Le ferait-je ? Sûrement pas ! J'ai le sentiment que la justice se doit d'être donné sereinement et qu'il ne convienne pas que je vienne moi aussi refaire le monde et décider à sa place. J'ai pût parfois me laisser comme tout un chacun m'égarer sur ces mauvaises pentes mais je regrette profondément ces écarts. Coupable ou non ce n'est certainement pas à moi de décider. Mais la transformation de la justice en spectacle, elle me rend dingue. Je ne devrais pas car je sais très bien que je suis déjà d'un autre temps.